Leçon 11 - Synthèse sur la tactique aux échecs : les grands tacticiens de l'histoire des échecs

« Qui d'autres dans l'histoire des échecs a gagné autant de parties sérieuses à l'aide de coups tactiques de génie? »
- Gary Kasparov (à propos d'Alexandre Alekhine)

Si vous ne savez pas comment lire et écrire une partie d'échecs, je recommende la leçon sur la notation algébrique avant de poursuivre ce tutoriel.

Comme je l'ai mentionné à plusieurs occasions dans mes leçons précédentes, nous avons la chance de pouvoir consulter les parties de nos illustres prédécesseurs.   Dans le domaine des tactiques et des combinaisons, quelques joueurs se sont démarqués des autres par leur profil d'attaquant.  Certains d'entre eux ne vivaient que pour l'attaque dure et rapide... tout ça a donné de beaux petits bijoux que je vous propose de découvrir avec moi.

Pour des fins historiques, je dois mentionner que tous les meilleurs tacticiens n'ont pas tous évolué dans la même époque.  Avant l'arrivée de Wilhelm Steinitz (premier champion du monde officiel), les grands joueurs de l'époque jouaient un style de jeu d'attaque à tout prix et de sacrifices.  On nomma cette période de l'histoire des échecs la période romantique.  Dans cette période, un joueur qui se voyait offrir une pièce en sacrifice se devait d'accepter le cadeau sous peine de se faire traiter de poule mouillée.  Vous aurez alors l'occasion de voir quelques parties jouées dans cette période et vous devrez tenir compte du contexte de l'époque dans les analyses liées aux parties.

Les joueurs sont présentés de façon chronologique avec une photo ainsi qu'une brève note sur leur carrière.  Alors, régalez-vous!  Laissez-vous «brûler» par ces pyromanes de l'échiquier!

Adolph Anderssen (1818-1879)

Né à Breslau en Allemagne, il est considéré comme un des plus grands spécialistes de la combinaison de tous les temps.  Dans le courant de sa longue carrière de matches et de tournois, il gagna le premier gros tournoi international (Londres, 1851) et il a été considéré le plus fort joueur du monde jusqu'à sa défaite lors du match contre l'américain Paul Morphy en 1858.  Il a aussi gagné le premier prix aux tournois de Manchester en 1862 et Baden-Baden en 1870, il a terminé troisième à Vienne en 1873 et il finit sixième à Paris en 1878 à l'âge de 60 ans.  Comme la plupart des joueurs de son époque, Anderssen ne savait qu'attaquer... mais comparé à tous les autres attaquants il n'avait pas d'égal!  Ces deux victoires les plus reconnues, «l'immortelle» et la «toujours verte» vivront aussi longtemps que les échecs...  alors délectons-nous de ces chefs-d'oeuvre qui en ont fait jaser plus d'un!

Paul Morphy (1837-1884)

Né à Nouvelle-Orléans, Lousianne, États-Unis, d'un père espagnol-irlandais et d'une mère française-créole, Paul Morphy était un joueur d'un très fort calibre dès l'âge de 12 ans.  Plus tard, il a étudié en droit et on disait qu'il pouvait réciter la plupart du code civil de la Lousianne par coeur.  Il a passé l'examen du barreau à l'âge de 19 ans et il a dû attendre 1 an avant d'être éligible pour pratiquer.  Il décida alors de passer son temps en jouant aux échecs.  Cette année-là, soit en 1857, Morphy gagna le congrès des échecs américain qui était tenu à New York.  Après avoir pris tout le monde par surprise avec cette victoire, Morphy fit une tournée de l'europe pour triompher de nouveau en terminant sa tournée avec une victoire dans un match contre Adolph Anderssen.  Il retourna aux États-Unis en 1859 acclamé universellement comme étant le meilleur joueur d'échecs au monde.   Malheureusement, il ne joua plus aux échecs de façon sérieuse.  Vers la fin de sa vie, il fut victime de troubles mentaux.  Pourquoi Morphy a-t-il pu battre tous les meilleurs joueurs de son époque?  Il était certes un très grand tacticien, mais ce n'était pas la seule raison de son succès.  Contrairement aux autres joueurs de son époque, Morphy était en avance sur son temps et il avait déjà compris quelques principes des échecs modernes: il attaquait seulement après avoir développé toutes ses pièces et il se battait férocement pour le contrôle du centre.

Rudolf Spielmann (1883-1942)

Rudolf Spielmann était de petite de taille et était très amical.  Tout comme Adolf Anderssen, la personnalité de Spielmann n'avait rien à voir avec son style aux échecs qui était très agressif.  La différence avec Anderssen toutefois est qu'il n'évoluait pas dans la période romantique et l'élément défensif occupait une place importante dans le jeu des joueurs de son époque.  Les concepts positionnels avaient la faveur des maîtres de l'époque.  Le jeu strictement tactique avait alors perdu de sa popularité.  Les joueurs irrésistibles qui offraient encore ce type de jeu étaient considérés comme des reliques qui s'accrochaient à une ère primitive du jeu.   Étant un amant des ouvertures de gambit, Spielmann joua plusieurs parties de "fiers à bras" mais n'avait toutefois pas l'impression d'avoir atteint son plein potentiel.  Il décida alors, dans la fin des années 1920, d'étudier les concepts positionnels du jeu et les fins de partie.  Ce changement dans son style l'amena alors parmi les dix meilleurs joueurs du monde de l'époque.  Reuben Fine a déjà écrit de lui que son seul but dans la vie, à part les échecs, était d'amasser suffisamment d'argent pour pouvoir s'acheter des quantités inépuisables de bière!

Frank Marshall (1877-1944)

Né à New-York, Frank Marshall fut champion des États-Unis de 1909 à 1935.   Tout comme Rudolph Spielmann, Marshall s'accrochait encore à l'époque romantique et était considéré par les autres joueurs de son époque comme un joueur pas très commode qui gagnait souvent ses parties en «escroquant» ses adversaires.  Reuben Fine dit de lui qu'il n'avait jamais rencontré, pas même Alexandre Alekhine, quelqu'un qui avait un oeil aussi aiguisé pour le jeu tactique et combinatoire.  Malgré son talent tactique, Marshall n'a pas fait le poids dans des matchs comprenant plusieurs parties contre des joueurs de la trempe de Emmanuel Lasker (en 1907) et José Raùl Capablanca (en 1909).  Ils ont tout simplement évité ses trucs.  En jouant des parties positionnelles et stratégiques (dans le cas de Lasker) et des positions simples (dans le cas de Capablanca), ils ont créé des situations dans lesquelles la force de combinaisons et de tactiques de Marshall ne réussissaient pas à faire bonne impression.   Même si Marshall n'a pas été en mesure de bien faire contre les géants des échecs de cette époque, il a quand même eu quelques moments de gloire en gagnant de très belles parties de façon décisive contre la plupart des autres maîtres de l'époque.

Alexandre Alekhine (1892-1946)

Né à Moscou, dans une famille bien nantie, Alexender Alekhine est le seul joueur d'échecs à avoir la morbide distinction d'avoir emporté son titre de champion du monde dans sa tombe.  Bien qu'il avait une vision tactique hors pair, Alekhine a aussi été le premier théoricien des ouvertures.  Poussé par une envie de gagner le championnat du monde, Alekhine réalisa qu'il fallait plus qu'une habileté tactique pour l'amener au sommet.  Par des études chevronnées, Alekhine réussit à maîtriser toutes les phases du jeu.  Il constituait en quelque sorte le prototype des grands-maîtres modernes.  En étudiant avec acharnement les ouvertures et en étudiant les parties de ses adversaires, Alekhine a tracé de nouvelles voies qui ont ensuite été suivies par beaucoup de joueurs professionnels.  Connu pour son antipathie, Alekhine était un alcoolique et un supporteur du nazisme.  Cela ne lui a pas empêché d'accomplir d'excellentes choses pour les échecs et plusieurs fans d'échecs le classent avec les Capablanca, Lasker, Fischer et Kasparov comme étant l'un des cinq meilleurs joueurs d'échecs de tous les temps.

Mikhail Tal (1936-1992)

Quand Alexandre Alekhine est décédé en 1946, il n'y avait aucun joueur au profil tactique flamboyant pour reprendre le flambeau.  La science aux échecs prit toute la place et le chef des scientifiques, Mikhail Botvinnik, régna de 1948 à 1960 à l'exception d'une année ou il s'est vu perdre le titre temporairement à Vasily Smyslov.   Cette performance impressionnante semblait indiquer que tous les futurs champions du monde seraient d'ardents défenseurs du jeu positionnel.  Personne ne se doutait alors qu'un coup de vent passerait et qu'il emporterait le titre de champion du monde telle une tempête...

Mikhail Tal, dit le «magicien», est né à Riga, Latvia en 1936.  Durant sa carrière professionnelle, son style était caractérisé par le risque et l'audace.  Ses meilleures parties se sont déroulées dans des duels tactiques et des combinaisons complexes.  Étant un homme doté d'une vision tactique phénoménale, il était capable de calculer de très longues et complexes variations après avoir seulement jeté un coup d'oeil à une position.  Considéré comme un joueur pas très solide étant donné son style téméraire, il confonda néanmoins ses critiques en gagnant tournois après tournois.  En 1960, à l'âge de 24 ans, Tal a réalisé l'impensable en mettant Botvinnik K-O et en réclamant le titre mondial.  Il le rendit à Botvinik l'année suivante.

Garry Kasparov (1963 - )

Après que Mikhail Botvinnik a repris son titre en 1961, les joueurs au profil positionnel ont une fois de plus occupé les plus hautes marches du podium dans le monde des échecs.  Des joueurs comme Tigran Petrosian avec son principe de "la sécurité d'abord"; Boris Spassky avec son jeu agressif et son style universel; Bobby Fischer avec son style très clair, simple, et classique.  En 1975, Bobby Fischer disparut du monde des échecs et Anatoly Karpov gagna le titre de champion du monde par défaut.  Il voulut alors démontrer à tout le monde qu'il méritait ce titre en gagnant tous les plus prestigieux tournois et en écrasant tout ceux qui se présentaient pour le mettre au défi à l'aide de son style sec et sa précision impeccable.  Les gens rêvaient alors de revoir un joueur aux prouesses tactiques reprendre le titre afin de mettre un peu de piquant à ces échiquiers rendus un peu terne...

Le rêve est devenu réalité quand Gary Kasparov a ravi le titre mondial à Karpov en 1985 à seulement 22 ans!  Né à Baku, Azerbaijan, Kasparov est considéré par plusieurs comme étant la réincarnation d'Alexandre Alekhine.  Un maître de toutes les ouvertures, Kasparov découpe ses adversaires en petits morceaux avec sa vision combinatoire qui rivalise avec celles de Tal et d'Alekhine.  Le style de Kasparov a revitalisé l'intérêt du monde des échecs.

N'est-ce pas intéressant de rejouer ces bijoux? Rejouer les parties de forts joueurs tout en suivant leur analyse et commentaires est l'une des méthodes les plus intéressantes et ludiques de progresser. Ci-dessous, vous trouverez une sélection de recueil de parties, dont certains contiennent également une bibliographie, des meilleurs tacticiens.

Mesurez-vous aux exercices contenant de nombreux problèmes tactiques à la page suivante.

Je ne vous le recommande pas, mais vous pouvez également sauter les exercices et aller directement au prochain tutoriel pour apprendre les bases de la stratégie.