Leçon 12 - Les bases de la stratégie : les éléments fondamentaux
« La tactique, c'est ce que vous faites quand il y a quelque chose à faire; la stratégie, c'est ce que vous faites quand il n'y a rien à faire. »
- Xavier Tartacover
« Les échecs ont trois composantes : le temps, l'espace et le matériel en dernier. »
- Mikhaïl Tal
Si vous ne savez pas comment lire et écrire une partie d'échecs, je recommende la leçon sur la notation algébrique avant de poursuivre ce tutoriel.
Nous venons de réussir à identifier les 3 éléments fondamentaux: la force, l'espace et le temps. Maintenant, avant d'entreprendre l'étude de leur influence dans une partie d'échecs, il faudrait faire en sorte que chacun de ces éléments vous soit très familier. En effet, qu'est-ce que c'est exactement un avantage de force? Qu'entend-on par avantage d'espace? De quelle façon peut-on réussir à gagner du temps sur son adversaire? Nous tenterons, dans les lignes qui suivent, de répondre à toutes ces questions...
La force
On commence par la force puisque c'est l'élément le plus facile à cerner: tout joueur d'échecs est familier avec cet élément puisque c'est le premier élément à être étudié par le joueur débutant. Comme nous l'avons déjà vu dans la leçon 3, les pièces ont une valeur qui leur est attribuée à cause des caractéristiques qui les définissent: le pion vaut 1, le fou et le cavalier valent 3, la tour vaut 5 et la dame vaut 9. Avec ces valeurs, nous pouvons donc dire qu'un joueur qui réussit à échanger une pièce de son armée de moindre valeur contre une pièce de plus grande valeur chez son adversaire, aura réussi à gagner un avantage de force.
Cependant, comme nous l'avons vu dans la page précédente, la notion de force va au-delà de ce système d'évaluation: la force d'une pièce est aussi influencée par son environnement. Un bon indicateur de la force d'une pièce est sa capacité à contrôler des cases. Avec cet indicateur, nous pouvons donc déterminer par exemple, dans une position donnée, laquelle des dames entre les deux adversaires possède le plus de force.
Si nous combinons les deux facteurs identifiés ci-haut, nous pouvons donc conclure que la force d'un joueur est déterminée par son matériel et par l'emplacement de ses pièces sur l'échiquier. Afin de démontrer ce point, observons le diagramme suivant:

Diagramme 12.4 - La force par le contrôle des cases
Comme on peut le remarquer, les deux joueurs possèdent la même force au niveau matériel: 8 pions et 1 fou. Pourtant, l'un des deux joueurs a une plus grande force dans le moment puisque son fou contrôle beaucoup plus de cases que son opposant. Le fou des blancs posté en d3 contrôle 10 cases alors que son homologue en contrôle seulement 2. Puisque la force a un rôle déterminant à jouer dans le résultat d'une partie, les noirs pourraient alors choisir de «créer» de la force pour leur fou posté en d7 en préparant l'avancée des pions c6 et e6 pour libérer les diagonales du fou noir et tenter de bloquer les diagonales du fou blanc (diminuant par le fait même sa force). Le gain de force vient alors suggérer un plan aux noirs et ces derniers tenteront de le mettre en place afin de réussir au moins à égaler la force des deux fous. Un joueur peut donc accroître son rapport de force en augmentant sa force et/ou en diminuant celle de l'adversaire.
L'espace
C'est bien connu: plus on a d'espace, plus on se sent bien! Ce principe est également vrai pour les échecs. Le joueur disposant de plus d'espace aura beaucoup plus de marge de manoeuvre pour sa troupe de valeureux combattants. Mais comment obtenons-nous plus d'espace? Le secret pour acquérir de l'espace est l'utilisation stratégique de nos pions. En effet, le territoire occupé par un joueur est déterminé par la disposition des pions sur l'échiquier. De façon générale, on peut affirmer que toutes les cases derrière un pion sont considérées comme étant votre propriété à moins que l'un des pions ennemi attaque l'une de ces cases. Dans le diagramme ci-dessous, nous pouvons remarquer que les blancs ont un avantage en terme d'espace global puisqu'ils possèdent 20 cases derrière leur pion contre 17 chez les noirs. Cependant, le contrôle de l'espace est habituellement séparé en trois zones distinctes: l'aile-dame, le centre et l'aile-roi. Ainsi, les blancs ont un avantage d'espace à l'aile-dame et au centre mais ils possèdent toutefois d'un nombre inférieur de cases à l'aile-roi qui est donc à l'avantage des noirs.

Diagramme 12.5 - L'espace
Le gain d'espace est certes très attirant dans une partie d'échecs, toutefois il ne faut pas s'emballer et pousser nos pions toujours plus loin seulement dans le but de gagner du terrain. Comme plusieurs stratèges militaires l'ont appris, il ne suffit pas que de gagner du terrain dans une guerre: il faut aussi être en mesure de protéger nos gains de façon à ce qu'ils ne tombent pas aux mains de notre adversaire! Dans une leçon ultérieure, nous étudierons les principes stratégiques reliés au gain d'espace et la façon d'utiliser cet avantage pour contenir notre adversaire dans une portion limitée de l'échiquier et le faire suffoquer jusqu'à ce qu'il abandonne!
Le temps
Bon... je sais, c'est trop facile d'utiliser le cliché populaire «le temps, c'est de l'argent!»... mais que voulez-vous: je n'ai pas pu trouver mieux pour introduire l'importante notion du temps aux échecs! Car en effet, il faut apprendre à maîtriser la notion de temps si on veut parvenir à maîtriser ce jeu. Le temps aux échecs, tout comme dans la vraie vie, est éphémère: il ne dure pas. Le joueur qui possède alors un avantage de temps doit le faire profiter sur-le-champ s'il ne veut pas qu'il ne disparaisse sans laisser de trace! Bien sûr, lorsque je parle de temps dans une partie d'échecs, je ne veux pas parler du temps supplémentaire dont un joueur dispose à sa pendule dans une partie de tournoi: je parle du nombre de coups dont un joueur dispose pour développer son armée dû à la position inférieure de son adversaire.
Le temps est étroitement lié au développement des pièces. On ne perd pas de temps lorsqu'on réussit à développer ses pièces sur la meilleure case au premier coup. On peut gagner du temps lorsque notre adversaire contrevient à ce principe. Pour vous aider à comprendre la notion de temps, étudions le début de la partie suivante comme exemple:
Un avantage de temps permet habituellement d'obtenir l'initiative dans la partie. On possède l'initiative lorsqu'on contrôle le jeu et qu'on fait réagir l'adversaire à nos moindres caprices.
Statique ou dynamique?
Étant donné que nous avons abordé la notion de temps, laissez-moi ajouter une petite note concernant l'état statique ou dynamique d'un avantage. Un avantage statique est un avantage qui portera fruit à long terme et qui est permanent. Un avantage dynamique est comme une tactique: il est temporaire et peut disparaître à tout moment. Il devient donc nécessaire de profiter immédiatement de cet avantage pour le faire fructifier. De nos trois éléments définis plus haut, seule la notion de temps est dynamique, la force et l'espace étant statiques. Lorsqu'un joueur possède un avantage dynamique comme le temps, il doit s'efforcer de changer cet avantage dynamique pour un avantage statique afin de s'assurer une meilleure position dans la fin de partie. Par exemple, un joueur ayant un avantage de développement essaiera de profiter de son développement supérieur pour prendre de l'espace (statique) ou, encore, de créer une position tactique qui lui fera gagner du matériel (statique).
Si on met tous les éléments de base dans le même bol et que l'on brasse un bon coup, on peut en retirer un paquet de principes stratégiques qui doivent être considérés dans une partie d'échecs. Nous aurons la chance de nous familiariser avec tout ça dans des leçons subséquentes... mais pour l'instant, ne dérivons pas trop loin de notre objectif et apprenons à mieux connaître les forces et faiblesses de nos combattants!
Pour ceux qui désirent creuser plus à fond le domaine de la stratégie, je vous propose les livres ci-dessous.
Poursuivons la leçon avec la page suivante sur la maîtrise du fou.