Leçon 12 - Les bases de la stratégie : la maîtrise des fous
« Les cavaliers se révèlent fort utiles dans les positions fermées. D'habitude, les fous sont un peu plus forts que les cavaliers dans les positions ouvertes. Qu'on le veuille ou non, il restera toujours des exceptions ! »
- Aaron Nimzowitsch
Si vous ne savez pas comment lire et écrire une partie d'échecs, je recommende la leçon sur la notation algébrique avant de poursuivre ce tutoriel.
Pour les internautes qui désirent apprendre la démarche du fou, veuillez plutôt consulter la leçon sur la démarche du fou dans la leçon 2. Pour les autres, délectez-vous de ce qui suit...
Ahh le fou... ni trop faible à cause de sa capacité de longue portée, ni trop puissant à cause de l'impossibilité de contrôler les deux couleurs de l'échiquier... comment peut-on l'exploiter à sa juste valeur? La réponse est dans leur association mutuelle: en pair, ils peuvent dévaster l'échiquier!
Les caractéristiques du fou lui confèrent quelques avantages dans une partie d'échecs: il peut opérer à distance en restant bien tranquillement dans un coin et attaquer une pièce à l'autre bout de l'échiquier, il peut également traverser l'échiquier en un clin d'oeil et prendre un rôle offensif ou défensif en un rien de temps... bref, si on lui laisse le champ libre, il peut dominer l'échiquier. Le hic c'est justement ça: le fou a besoin d'espace de manoeuvre. Il a besoin d'un jeu et d'un centre ouverts pour libérer toute sa fougue. Le fou peut être classé comme étant bon ou mauvais et comme étant actif ou inactif. Afin de maîtriser le fou, il est bien important de comprendre ces classifications pour pouvoir en retirer le maximum.
Le bon et le mauvais
Un fou est considéré «bon» lorsque les pions centraux de son camp ne sont pas placés sur des cases de la même couleur que lui. Il est donc considéré mauvais lorsque ses pions centraux occupent la même couleur. Dans le diagramme ci-dessous, le fou des blancs est considéré comme étant un bon fou puisqu'il ne se trouve pas bloqué au centre par ses pions. Son homologue noir, lui, est considéré mauvais: ses pions occupent de façon permanente les cases d5 et e6 le privant ainsi d'une mobilité intéressante. Notez comment le fou blanc complète bien ses pions centraux: les pions d4 et d5 contrôlent les cases noires au centre tandis que le fou participe au contrôle des cases blanches. Ce dernier peut également participer à l'attaque des pions centraux ennemis tandis que son homologue noir ne peut pas attaquer les pions centraux blancs.



Diagramme 12.6 - Bon et mauvais fou
L'actif et l'inactif
Un fou peut aussi être classé par son niveau d'activité. Comme vous l'avez sûrement deviné, on qualifie un fou comme étant actif lorsqu'il joue un rôle déterminant dans la position. Par exemple, dans le diagramme ci-dessous, les deux fous sont bons mais le fou noir est considéré actif car il occupe un poste offensif au centre de l'échiquier et attaque les pions b2 et f2. Le fou blanc, lui, est considéré comme étant inactif dû à sa position défensive et à son emplacement.



Diagramme 12.7 - Fou actif et inactif
Les mauvais fous peuvent aussi être actifs. Habituellement, un mauvais fou est considéré actif lorsque celui-ci est devant ses pions centraux plutôt que derrière comme en fait foi le diagramme suivant:



Diagramme 12.8 - Mauvais fou actif
Le mauvais fou en e5, qui se trouve devant ses pions centraux, occupe un poste qui lui donne beaucoup plus d'activité que son homologue qui lui est considéré comme étant un bon fou. Nous pouvons alors constater que la véritable force du fou vient de son niveau d'activité plutôt que de sa nature «bonne» ou «mauvaise».
Tirer le maximum du fou
Bon, maintenant que nous sommes en mesure de classifier un fou selon sa position, essayons de trouver la façon d'obtenir tout le potentiel d'un fou dans une position donnée. En général, un fou actif sera toujours meilleur qu'un fou inactif. Aussi, à niveau d'activité égale, un bon fou sera toujours meilleur qu'un mauvais fou. À la lumière de ces observations, nous pouvons donc établir une hiérarchie des valeurs pour la classification des fous (du meilleur au pire):
- le bon fou actif
- le mauvais fou actif
- le bon fou inactif
- le mauvais fou inactif
Si on se base sur la liste ci-haut, toute manoeuvre dans une partie qui fait passé le statut d'un fou à un niveau supérieur est bonne à faire. Par exemple, si un fou est considéré comme étant mauvais et inactif, il suffira de le placer devant ses pions centraux pour le faire bondir de deux niveaux dans la hiérachie des valeurs! Maintenant, voyons concrètement les options stratégiques qui s'offrent à nous pour optimiser le potentiel d'un fou.
Libérer les diagonales du mauvais fou
Si le fou est mauvais et que le centre est encore flexible (les pions centraux ne sont pas bloqués par des pièces ennemis), poussez ou échangez les pions centraux afin de libérer les diagonales du mauvais fou. Par cette action, le mauvais fou deviendra à ce moment un bon fou et il aura ainsi monté de niveau dans la hiérarchie des valeurs. Par exemple, dans le diagramme ci-dessous, les blancs ont un mauvais fou puisque deux de leurs pions centraux, d4 et f4, occupent des cases noires:
Placer le mauvais fou hors de la chaîne de pions
Le truc pour activer un mauvais fou lorsque le centre est fermé et statique est de placer le fou hors de la chaîne de pions. Dans le diagramme ci-dessous, les deux fous sont mauvais. Les blancs ont par contre la chance d'activer leur fou puisque la diagonale a3-f8 est disponible car aucun pion blanc ne l'occupe. Leur plan sera donc de placer leur fou sur cette diagonale afin de l'activer. Les noirs, quant à eux, n'auront pas cette chance comme on peut le voir dans la séquence de coups...
Échanger le fou contre une meilleure pièce
Lorsqu'aucune des solutions précédentes ne peuvent être effectuées, il est alors préférable d'essayer d'échanger son mauvais fou et/ou son fou inactif contre un fou de plus grande valeur chez l'adversaire. On aura ainsi réussi à diminuer l'écart de la force en notre faveur puisqu'on aura échangé du mauvais contre du bon. Dans le diagramme ci-dessous, le trait est aux noirs et on peut remarquer immédiatement que leur pauvre fou en g7 n'est pas voué à un bel avenir. Il est un mauvais fou inactif tandis que son homologue blanc est bon et actif. Les noirs ne peuvent pas activer leur fou en libérant sa diagonale et faire une manoeuvre pour le placer en d4 serait très long et laisserait beaucoup de temps aux blancs pour améliorer leur position à d'autres niveaux. Les noirs décident donc d'y aller d'une manoeuvre qui échangera plutôt les fous de cases noires...
Pour conclure notre matière sur le fou, nous verrons dans une autre leçon qu'il a aussi d'autres batailles à livrer pour prouver sa supériorité. Sans pour autant dévoiler toute cette matière, je peux cependant vous révéler un principe qui a fait ses preuves: le fou est à son apogée dans une position ouverte. On entend par position ouverte (ou jeu ouvert), une position qui ne contient pas, ou très peu, de pions centraux et qui compte également des colonnes, rangées et diagonales ouvertes. Dans de telles positions, le fou peut libérer toute sa folie... et justement, pour terminer, apprécions toute sa fougue dans la partie suivante:
Pour ceux qui désirent creuser plus à fond le domaine de la stratégie, je vous propose les livres ci-dessous.
Poursuivons la leçon avec la page suivante sur la maîtrise du cavalier.